L'ECOLE DE YOGA ET DE MEDITATION

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L'ECOLE DE YOGA ET DE MEDITATION

TANTRA ET YOGA NIDRA

Par Swami Janakananda - Bindu n°14

Quelques mots sur la tradition qui sous-tend le Yoga Nidra

« Lorsque le sommeil n’est pas encore venu et que la vigilance extérieure disparaît, à ce moment-la, l’être est révélé » (Vigyana Bhairava Tantra)

 

Le tantra est une tradition immuable avec ses propres méthodes pour élever la conscience.

Le mot tantra, en fait, signifie répandre – la conscience, la connaissance de la vie – et libérer – le soi.

La connaissance sur laquelle est basé le tantra est utilisée depuis la période matriarcale aux temps préhistoriques quand les femmes n’étaient pas opprimées et la mythologie était fondée sur l’énergie et la fertilité féminines. Le tantra contient encore des éléments de cette époque. Les aspects religieux du tantra montrent que les femmes dominent sous la forme de déesses et ont une part égale à celle des hommes dans la célébration des rites.

Méditer ou philosopher

     Les « véritables » adeptes du tantra utilisent des méthodes et ont des expériences – ils agissent. Ils ne philosophent pas et sont peu enclins à écrire quoique ce soit. S’ils le font c’est seulement dans le but d’inspirer d’autres à faire quelque chose, à méditer etc…au lieu de philosopher.

 

     Il est donc important de comprendre que le tantra s’est construit sur une pratique et non sur de la théorie où l’expérience est oubliée et la compréhension des termes, la mythologie et la sagesse deviennent plus importantes que la sagesse elle-même. Il n’est pas donné à tout le monde de comprendre ce que veut dire marcher sur le chemin de la réalisation du soi. Pour le professeur le but c‘est d’enseigner à ceux qui sont réceptifs et qui vont véritablement mettre en pratique les enseignements. Cependant, il occulte son savoir à ceux qui sont simplement curieux ou amateurs de sensations et qui en matière de rites sexuels sont seulement des jouisseurs sans aucune idée des perspectives plus profondes impliquées, désireux seulement, d’en avoir un avant-goût avant de se précipiter vers autre chose. Il est important de sauvegarder la tradition afin que les méthodes authentiques ne soient pas perdues, mal comprises ou affaiblies.

Forme délibérément codée du tantra et autre

     La plupart des éléments que nous trouvons dans le tantra sont donc secrets, soit ce n’était pas écrit soit quand l’écriture fut introduite c’était une forme codée qui en sanscrit s’appelle sandhabhasa.

 

     Ces codes ou paraboles peuvent apparaître comme des histoires toutes simples mais pas si innocentes que çà. Ils peuvent avoir aussi un caractère pornographique pour effrayer ou subjuguer le lecteur ainsi il ne découvrira pas le contenu occulte du texte. Les véritables pratiques, si toutefois, elles étaient écrites étaient dissimulées sous des rituels religieux ou sexuels ou derrière des nombres ou des noms complètement substitués à d’autres. Ils ne pouvaient être compris uniquement que par des personnes déjà initiées en partie, même là, les pratiques décrites dans les écritures demeurent insidieusement voilées par rapport à l’enseignement directement transmis par un autre individu comme par exemple dans une méditation plus avancée.

 

      Ceci n’était pas simplement une pratique indienne, on trouvait ces procédés aussi ailleurs, ainsi en Islande, on les nommait launmál (langage occulte) signifiant que derrière une histoire se substituait une autre histoire, une initiation, une pratique.

L’aspirant est mis à l’épreuve

     L’aspirant est assigné à diverses taches pendant une longue période pour s’assurer que son attitude est ouverte et réceptive. Il est important de savoir si l’aspirant ne va pas mal interpréter les intentions et actions de son professeur et s’il va réellement abandonner ses peurs et ses habitudes de pensées limitatives sur lui-même.

 

 

     L’étudiant doit aussi être graduellement préparé par différentes pratiques plus faciles et surtout il faut tester sa patience. La vie dans un ashram ou chez le professeur peut donner l’environnement adéquat pour son apprentissage.

 

 

     Un exemple clair et bien connu est celui de Milarepa dans sa relation avec son professeur Marpa. Marpa donnait l’apparence d’un fermier ivrogne, insensé, et colérique. Mais au vu des résultats que Milarepa a acquis, il a dû être un des meilleurs professeurs qui n’a jamais existé, au moins pour Milarepa – grand guru au Tibet. En bref, Milarepa a dû subir un long apprentissage de vingt années avec des difficultés qui parfois l’ont complètement épuisé et des frustrations qui le firent fuir maintes fois, par exemple, en n’étant pas admis à assister à certains enseignements secrets lesquels devaient certainement contenir des techniques de méditation selon les principes du kriya yoga et du silence intérieur (voir les numéros précédents du Bindu).

 

 

     Mon professeur Paramhansa Satyananda est resté chez son maître Swami Sivananda pendant douze ans à Rishikesh. Il fit principalement du karma yoga là-bas, ce qui consistait en diverses taches pratiques dans l’administration de l’ashram et de son imprimerie.

 

 

     Plus tard, il voyagea en Inde en tant que mendiant. Pendant ses pérégrinations il put se retirer et pratiquer entre autres, les méthodes qu’il avait apprises dans sa vie quotidienne avec Swami Sivananda. Son professeur l’avait mis aussi sur le chemin de certaines pratiques de la tradition yogique et tantrique que, pendant ses voyages, il put explorer et mener à bien et en conséquence il était prêt à enseigner à d’autres. Swami Satyananda était un professeur exceptionnel – personne, ni avant lui ni après lui, n’a su éclairer les pratiques tantriques à un tel point. Je parle au passé parce qu’il s’est retiré maintenant de l’enseignement.

Théorie ou pratique

     D’après mon expérience plus on parle de méditation en théorie, par exemple, au lieu de pratiquer moins l’esprit croit nécessaire de pratiquer – après tout, vous « savez tout déjà ». Le problème c’est que juste « savoir », ne produit aucun effet. Corps et esprit n’ont aucun besoin de savoir si les exercices ne sont pas appliqués.

 

 

     Il y a quelques années, j’ai fait une expérience intéressante pendant le stage d’un mois de kriya yoga que j’animais. Les étudiants étaient en train d’apprendre le grand kriya yoga en silence. Ils avaient été préparés précédemment par des méthodes diverses de yoga et de méditation et une certaine dose de théorie.

 

 

     A part, quelques conférences et discussions au début du stage j’ai ressenti le besoin impératif de les laisser seulement méditer, faire du yoga, et en général être engagés dans des besognes pratiques. En d’autres mots, je ne désirais pas donner de conférence pendant cette période de silence, ce qui était tout à fait approprié puisque les étudiants ne pouvaient ni parler, ni lire, ni écrire. Le silence aide à libérer les tensions profondes et à maintenir un bon équilibre dans le cerveau tout en augmentant la capacité d’expérimenter.

 

 

     Cependant au milieu de la période de silence j’eus besoin de clarifier certains points et d’expliquer un peu de façon théorique comment laisser aller les réactions automatiques et habitudes du système nerveux et de l’esprit. La leçon que je donnais ce soir-là était, j’en suis sur, riche d’inspiration autant pour les étudiants que pour moi-même.

 

     Le lendemain matin, ils avaient des exercices physiques de yoga avec un autre professeur. Après la classe, le professeur me dit que l’attention et la concentration qu’ils manifestaient les autres matins étaient absentes, ce matin-là. Les étudiants étaient plutôt endormis on aurait dit qu’ils se forçaient à suivre les instructions. Ceci se passa uniquement ce matin-là, le reste du temps, ils étaient tout à fait alertes.

 

 

     A la fin de cette période de silence, je leur ai demandé s’ils se rappelaient comment ils se sentaient après la leçon. Je reçu promptement la réponse de l’un d’entre eux et les autres confirmèrent. Il dit que les éléments intéressants entendus la veille au soir avaient tellement rempli son esprit qu’il avait l’impression que son corps ne nécessitait plus d’exercices. Ce n’était pas nécessaire – il le savait déjà.

 

Concept ou expérience

     Que vaut la théorie quand elle n’est pas basée sur l’expérience ? Si la théorie est d’abord mise en avant, l’intellect bloquera l’expérience avec attentes et efforts , on risque d’être mal dirigé tandis qu’une attitude « Monsieur, je sais tout » va obstruer l’ouverture d’esprit pour suivre et recevoir les instructions par exemple en méditation. Cela interfère dans la sensibilité et la capacité à expérimenter ce qui ne peut pas être écrit. Cela devient facilement de l’endoctrinement, on vous dit ce qu’il faut expérimenter au lieu de vous laisser faire votre propre expérience. Les idées et opinions deviennent une connaissance apprise par cœur à laquelle on s’attache, on croit, on la défend, même si elle n’est pas basée sur une perception et expérience personnelles.

 

 

     Prenez un mot comme méditation qui est largement devenu un concept. Le mental peut être amené à se faire toutes sortes d’idées sur ce qu’est vraiment la méditation et en fait, passer à coté de l’essentiel. « Oh, mais j’ai ma propre méditation », et ensuite vous vous asseyez pour rêver un peu. Vous n’abandonnez jamais les limitations de votre esprit derrière vous. Certains ont même la brillante idée d’enseigner sur ces bases-là. Il y a aussi ceux qui disent recevoir des réponses à toutes sortes de choses en méditation. C’est tout à fait probable, mais ils ne laissent jamais leur mental en paix.

 

     Il en est de même avec le mot relaxation, utilisé de nos jours pour décrire toutes sortes de choses de l’hypnose à la musique. Il y a même de bons musiciens qui nomment leur musique « méditation ». Espérons seulement que l’auditoire aime leur musique sans se laisser limiter par une telle prétention.

 

 

     Dans les années 70 je me suis rendu compte du problème de ces appellations tandis que je préparais la sortie d’un nouvel enregistrement de Yoga Nidra. Je voulais clarifier ce qu’était Yoga Nidra et l’appelais « relaxation profonde ». Il suffit de quelques mois pour que cette appellation soit utilisée dans toutes sortes de relaxations possibles et inimaginables.

 

     Malheureusement le nom de Yoga Nidra est utilisé aujourd’hui dans des relaxations qui n’ont rien à voir avec la véritable technique à la base de la tradition tantrique et dont nous parlons dans ce numéro du Bindu.

 

 

     Mis à part ce qu’on risque « d’apprendre » des autres, les idées que les gens se font de la méditation peuvent vraiment les empêcher d’arriver à l’état de relaxation ou de méditation ; par exemple l’idée qu’il faut d’abord contrôler l’esprit. Le mental ne s’arrête jamais alors pourquoi se frustrer en le combattant ? Apprenez à laisser le mental défiler grâce à une méthode et laisser l’esprit se calmer de lui-même.

 

 

     Que gagner à la méditation si elle ne donne pas une énergie considérable et un enthousiasme pour la vie de tous les jours, et que gagner à la relaxation si elle n’apporte pas plus de clarté, de calme et de plus grandes perspectives ?

 

     La méditation rompt avec toutes les impressions c’est une façon de faire le vide mental. C’est aussi la quête de sa propre identité, son centre et pour cela vous avez besoin de méthodes pour ne pas tricher avec vous-même, mais atteindre les profondeurs de vous-même.

Le rituel dans la méditation vous aide à dépasser les limitations de votre esprit

     Les méditations classiques du tantra et du Zen montrent cette approche différente. La méditation tantrique est incluse dans le rituel. Le rituel tantrique consiste en diverses méthodes destinées à maintenir l’esprit occupé laissant défiler les pensées à leur guise en arrière-plan. Nul besoin de les combattre, vous avez autre chose à faire. Et si à un moment, vous étés préoccupé par une pensée, alors tout ce que vous avez à faire c’est de le remarquer, se rappeler ce que vous faisiez et retourner à votre pratique.

 

     Kriya yoga en est un exemple, utilisant des méthodes pour libérer l’énergie et purifier les courants d’énergie dans le corps, élever le niveau d’énergie et aboutissant à une absorption indépendamment des tentatives, des attentes ou des idées de l’esprit.

     En Yoga Nidra on n’essaie pas de se relaxer mais plutôt on occupe l’esprit selon l’instruction donnée. La relaxation se manifeste, elle suit.

     Combien de temps peut-on se concentrer par exemple sur un pouce ? Une seconde ? Deux ? Le mental veut continuer sur autre chose. Donc, on prévient l’agitation de l’esprit et la conscience est transférée à l’index etc…

     L’esprit est occupé de telle façon, qu’il n’a pas le temps pour autre chose et donc ne peut retenir aucune tension.

Le but des rites sexuels

« Pendant que tu es caressée, douce princesse, pénètre la caresse comme vie éternelle. » (citations : Vigyana Bhairava Tantra)

     Les célèbres ou malfamés rites sexuels (dont j’ai donné une version dans mon livre Yoga, Tantra, et Méditation dans la vie quotidienne) est un bon exemple des rites et pratiques tantriques ayant un autre but que ce que les gens normalement pensent.

 

     On croit souvent que c’est une excellente thérapie pour guérir des problèmes sexuels, ou on pense que cela aide à atteindre une plus grande liberté sexuelle ou intensifie la jouissance sexuelle. Oui, tout cela est probable – mais il a un autre but.

« Au début de l’union sexuelle, porte ton attention sur le feu dès le commencement, et en continuant ainsi, évite les braises ardentes à la fin. »

C’est une façon de capter l’esprit et l’instinct sexuel est bien approprié à ce but.

« Lorsqu’en une telle étreinte tes sens sont agités comme des feuilles, pénètre cette agitation. »

Quand vous vous êtes préparé selon toutes les différentes pratiques appartenant aux rituels à part de se baigner, de manger etc. alors le résultat escompté est inévitable.

« Même dans le souvenir de l’union, sans l’étreinte, la transformation. »

Le but c’est d’élargir la conscience et accroître l’énergie.

 

Une expérience ininterrompue

« Le sens de la vie,
la vie elle-même le donne
jusque ce que nous commencions
à nous poser des questions 
» 
(Grook (poème) par Piet Hein)

     L’esprit peut s’imaginer toutes sortes de choses, trop et pas assez, et il aime argumenter, il aime discuter. Il peut prouver n’importe quoi, mais, il peut tout aussi bien désapprouver.

 

     Quand vous osez recevoir directement – quand vous ne vous attendez à aucune « expérience » sensationnelle ou n’exigez aucune réponse – alors la transformation peut commencer. Les méthodes demeurent secrètes jusqu’à ce que vous soyez prêt à les utiliser. Vous apprenez le kriya yoga en silence.

 

     Le fait de ne pas donner les méthodes à un non initié est un principe que les tantriques partagent avec les druides celtiques (pour qui il était directement interdit d’écrire quoi que ce soit de ce qu’ils avaient appris), les initiés Égyptiens et jusqu’à un certain point les indigènes (aborigènes) vivant dans le désert au centre de l’Australie. Contrairement à l’élite celtique ou égyptienne, le tantra faisait et fait encore partie de la culture locale.

 

     Les trésors du tantra ne sont pas seulement réservés à une classe sociale érudite, mais fait partie de la tradition vivante dans nombre de villages ou le savoir et l’expérience est transmise de personne à personne depuis des générations.

 

Une tradition éternelle et vivante

     Quiconque, suffisamment convenable et réceptif peut partager la connaissance tantrique. Une connaissance qui est si vaste que les méthodes tantriques peuvent être comparées à la science contemporaine. En plus des méthodes pour augmenter, élever et libérer la conscience humaine, le tantra comprend aussi des mathématiques, de l’astronomie, des méthodes de guérison et des arts du plus haut calibre. On pourrait dire que la tradition tantrique comprend tous les moyens imaginables pour aider les gens dans leur vie et dans la maîtrise d’eux-mêmes.

 

     Malheureusement de nos jours, il est à la mode d’associer le tantra uniquement aux rites sexuels. Ils font, bien sur, partie de la tradition de même qu’un certain nombre de gens profitent de cette connaissance, mais il s’agit d’une infime partie des richesses de la tradition tantrique.

Nyasa

     Maintenant, nous allons traiter de certaines méthodes et pratiques utilisées dans les rites tantriques – ainsi que dans les rites sexuels mais pas seulement là. Elles peuvent aussi faire partie de ce que nous appelons ordinairement relaxation et méditation. Leur but est de changer l’état du corps physique et de la conscience de sorte que vous devenez présent, réceptif, et sensible à ce qui va se passer ensuite dans le rituel et la méditation.

 

    Toutes ces méthodes confondues ont pour appellation nyasa.

 

     Selon le Dictionnaire Sanscrit Anglais d’Oxford le mot nyasa signifie : placer, poser sur ou dans, utiliser, toucher, etc…

 

     Ce qui est touché, ce sont les différentes parties du corps – ce qui est mis en place c’est par exemple un mantra (un son) sur les zones appropriées.

 

     Cela vaut la peine de remarquer que le dictionnaire plus loin définit nyasa comme : « Une dédicace ou attribution mentale de parties différentes du corps aux génies protecteurs ». Cette définition est correcte à ce qu’il m’apparaît, mais elle est insuffisante telle quelle. On pourrait tout aussi bien clamer que toute science est religion, puisque la théologie est comptée parmi les sciences.

 

     Apparemment les « faits » expliqués dans les encyclopédies dépendent de celui qui rapporte l’information ; les diverses définitions limitées et parfois particulières du yoga et du tantra en sont un bon exemple.

 

     D’après moi, le but d’utiliser nyasa dans le yoga tantrique est d’éveiller la conscience, ce qui, j’espère, apparaît clairement dans les articles de ce numéro. En gardant ceci à l’esprit cependant, je vais citer une définition de Agehananda Bharati : 

« Littéralement nyasa c’est le processus de charger une partie du corps, ou un organe d’un autre être humain, par un pouvoir spécifique par le toucher. »

et il continue

« Par exemple en plaçant le mudra du feu [façon de tenir les doigts en touchant] sur la région du cœur en prononçant le mantra du feu, Ram, le cœur de l’adepte se transforme en le feu cosmique… »

« Le petit homme » (motor homunculus) montre le long de la bande marquée sur le cortex cérébral, quelles régions du cerveau sont liées avec les différentes parties du corps.

     Nyasa peut consister « à toucher » les diverses parties du corps de la main. On peut le faire soi-même ou le partenaire le fait ou le professeur. Mais cela peut aussi se faire mentalement en pensant aux régions concernées et en les nommant – ceci se passe par exemple sous la direction du professeur en Yoga Nidra.

 

     Nyasa implique aussi « de placer » un mantra (son, syllabe, ou les deux – une expression) sur les diverses parties du corps. Ceci est dit mentalement ou bien tout haut.

 

     L’alphabet Sanscrit comme les runes à leur époque dans les pays nordiques ne servent pas simplement à former des mots au moyen de lettres mais chaque lettre avait un pouvoir inhérent, une vibration qui forme la base de la science des mantras. Dans une forme de nyasa, les lettres de l’alphabet Sanscrit sont distribuées sur tout le corps. Cela s’appelle matrika nyasa :

« Matrika nyasa est la source de tous les mantras, l’origine de toutes les sciences et l’humus sur lequel tous principes, toutes sagesses, toutes connaissances sont nées. » (Laxmi Tantra)

     Les méthodes mentionnées ci-dessus peuvent être combinées si bien que vous touchez votre corps ou celui de votre partenaire, tout en récitant le mantra de l’endroit touché.

 

     Matrika nyasa, dont on donne un exemple à la page suivante, est une forme de nyasa différente de celle donnée en Yoga Nidra. Mais si vous avez expérimenté le Yoga Nidra profond vous pourrez voir les similarités entre une des sections plus longues de Yoga Nidra et matrika nyasa.

 

     Les éléments terre, eau, feu, air et éther jouent aussi un rôle dans nyasa. Le corps est divisé en cinq parties ayant chacune son propre élément.

 

     Et comme il a déjà été dit, le corps et ses diverses parties peuvent être consacrées à divers esprits gardiens – même aux planètes ou endroits sacrés. Le nom de ces esprits ou dieux, planètes, endroits ou éléments est alors ajouté au chapelet des mantras et récité à haute voix ou répété mentalement.

 

     Bien entendu on utilise nyasa parce qu’il a un effet sur le corps et l’esprit – et ce n’est pas seulement un vague rituel. Nyasa est en liaison avec le shiatsu et l’acupuncture et probablement il en est le précurseur. Mais tandis que ces deux méthodes sont basées sur le corps et ses points d’énergie et principalement utilisées pour soigner, nyasa est plus que cela en ce sens qu’elle comprend des méthodes pour « toucher » et éveiller les nombreuses dimensions de l’esprit soit à travers les centres psychiques ou chakras.

 

     Le long et profond Yoga Nidra est basé sur des variantes simples et donc très efficaces de nyasa, du début jusqu’à la fin.

Les dimensions

     Une fois que vous avez suivi les instructions dans le Yoga Nidra profond, allongé sur le dos, vous vous êtes familiarisé avec le moyen de déplacer votre attention à travers les différentes parties du corps, d’expérimenter la lourdeur et la légèreté, la chaleur et le froid, la douleur et le bien-être. Et la façon de se relier aux chakras et d’expérimenter certains symboles, paysages, images etc.

 

     Il y a plusieurs dimensions à notre être. Dans la vie courante nous connaissons le corps, la respiration, les pensées, les émotions, les humeurs – et des états comme l’état de veillée réveil, le rêve ou le sommeil. Mais il y a d’autres états comme l’état méditatif, shamanique, hypnotique, ou d’ivresse.

     On décrit les dimensions de l’être humain selon des critères de diverses origines. Jung et Freud ont introduit les concepts de conscient, subconscient, inconscient et libido.

 

     Dans la tradition mystique ou occulte d’Europe il y a des concepts qui jusqu’à un certain point correspondent aux autres cultures : le corps physique, les humeurs du corps (comme dans l’Ayur Véda), l’énergie vitale, le corps astral et le corps causal. Similairement en Europe il y a, ou il y eu, des concepts tels que la félicité (état de joie intense et indépendant de tout objet).

 

     Dans les textes indiens, les Upanishads, nous trouvons la description suivante des dimensions humaines :

 

Les cinq enveloppes

(de Paingala Upanishad)

« Ainsi les cinq enveloppes faites de nourritures,
d’air vital, d‘esprit, de discernement, et de félicité.

Ce qui est créé et né
seulement par l’essence de la nourriture,
qui croit seulement par l’essence de la nourriture,
ce qui reposera dans la terre
rempli par l’essence de la nourriture,
voilà l’enveloppe engendrée par la nourriture.

(Anna-Maya-Kosha)
Cela seul est le corps grossier.

Les cinq airs vitaux,
ainsi que les organes d’action
constituent l’enveloppe
engendrée par le principe vital

(Prana-Maya-Kosha).

L’esprit
ainsi que les organes des sens
forment l’enveloppe
engendrée par l’esprit

(Mano-Maya-Kosha).

Le discernement
ainsi que les organes des sens
forment l’enveloppe engendrée par l’intelligence

(Vijnana-Maya-Kosha).

Ces trois enveloppes (énergie vitale, esprit, intelligence)
forment le corps subtil.

La connaissance de sa propre forme est l’enveloppe de la félicité
(Ananda-Maya-Kosha)
C’est aussi le corps causal. »

     Le but de nyasa et de Yoga Nidra est de toucher et d’expérimenter les divers plans pour éveiller la conscience dans les zones normalement endormies sous tension. Cela peut être de tels endroits en général comme les organes et les muscles. Les tensions, de ce fait se relâchent mais ce n’est qu’une étape du processus. Le but est d’expérimenter que vous n’êtes pas limité par un seul plan de conscience, mais que consciemment vous les contenez tous – et cela amène à la compréhension intérieure, que la véritable identité est la conscience qui fait l’expérience derrière tout cela.

 

     C’est plus qu’en avoir l’idée, c’est quelque chose que vous réalisez – une expérience.

 

     Le livre des Morts Tibétain étend cette expérience au-delà de la vie au royaume de la mort. Ces enseignements aident à parvenir à la compréhension que vous n’êtes ni les plans fascinants ni les plans terrifiants que vous rencontrez après la mort mais que ceux –ci aussi sont seulement des expériences dont vous n’êtes pas obligé de rester prisonnier sur le chemin.

 

     Afin de voir l’utilité de nyasa sous un autre angle voyons ce que nous appelons chakras.

Muladhara chakra. Cet article ne rend pas bien compte des divers chakras majeurs. Muladhara, le chakra de la racine fondamental est juste un exemple. Il est situé au-dessus du périnée entre les organes sexuels et l’anus

Chakra, les centres psychiques

     Le mot chakra à notre époque du « Nouvel Âge » est sorti de son contexte originel et déprécié. Sa signification s’est limitée au corps physique et au mieux au mental tout en perdant les perspectives et possibilités trouvées dans la tradition tantrique d’où émerge le terme. Éveiller un chakra et l’utiliser consciemment est un procédé complètement différent de l’usage actuel ; il existe tout un marché ou les gens proposent des crèmes spéciales chakras, massage des chakras, machines pour chakras et je ne sais quoi d’autres. La perception psychique, la possibilité d’une expérience riche et profonde est noyée sous des concepts étroits et matérialistes. On se joue des attentes et des idées des gens et, eux-mêmes, n’ont aucune expérience.

 

     J’ai déjà écrit sur les chakras dans le numéro 4 du Bindu, dans une série d’articles sur le kriya yoga et dans un chapitre de mon livre : Yoga, Tantra, et Méditation dans la vie quotidienne. De plus j’ai donné quelques explications dans un livret rattaché au CD Expérience Yoga Nidra (en anglais).

 

Courants et tourbillons d’énergies

     Le corps subtil ou corps d’énergie comprend de nombreux tourbillons d’énergie mineurs ou points de conscience. On les appelle les chakras et ils sont uniformément répartis sur tout le corps. Ces chakras mineurs sont sollicités en Yoga Nidra.

(comparer avec points de sei ou gen en médecine chinoise). Entre eux circule le prana, l’énergie psychique (comme l’énergie ki ou chi) dans les nadis (similaire aux méridiens, voir aussi le Bindu n°4 –Yoga et énergie plus subtile).

     Au début de la relaxation vous parcourez le corps mentalement à un certain rythme de sorte que vous avez juste le temps de toucher chaque endroit selon l’instruction mais pas assez pour penser à autre chose. En pensant à ces petits chakras l’ensemble du corps est graduellement rendu conscient – comme les parties correspondantes du cortex cérébral (voir l’illustration page 16).

 

     En soi le corps est un vaste chakra – un point de conscience, un tourbillon d’énergie.

 

Les chakras majeurs

     Les chakras majeurs ont de nombreuses dimensions. Au plan physique ce sont des zones centrales du corps reliées au système nerveux et aux nadis. On les trouve à la base du corps au-dessus du périnée : Muladhara ; dans la colonne vertébrale : Swadisthana, Manipura, Anahata, Vishuddhi ; dans la tête : Lalana ; et dans le cerveau : Ajna, Bindu et Sahasrara. Il y en a quelques uns encore, mais ceux là sont les plus couramment utilisés.

 

Les diverses dimensions du chakra

     Un chakra est non seulement une structure physique mais comprend toutes les dimensions humaines.

 

     On peut considérer un chakra comme une image microcosmique d’un individu juste comme un être humain est volontiers un microcosme comparé à l’univers. Du moins c’est ce que les Hopis (dans le nord de l’Arizona) disent :

« Le corps vivant de l’homme et le corps vivant de la terre furent édifiés pareillement. Chacun est traversé par ‘un axe, l’axe de l’homme étant l’épine dorsale, la colonne vertébrale, qui contrôle l’équilibre de ses mouvements et de ses fonctions. Sur cet axe, plusieurs centres vibratoires retentissaient du son primordial de la vie à travers l’univers, ou émettaient un avertissement quand survenait un ennui. » (Livre du Hopi, F. Waters).

Éveil

     Initialement le corps est harmonisé par les exercices de yoga. Alors les blocages des courants d’énergie se dispersent grâce aux exercices de respiration et aux techniques de relaxation. Le yoga crée un équilibre solide et durable dans l’organisme entier et dans l’aire de chaque chakra.

 

     Ensuite,une plus grande conscience est amenée à ces centres par l’utilisation de Yoga Nidra, kriya yoga et autres méditations tantriques. Alors commence un balayage des vieux attachements, habitudes, et inhibitions (vritti) enracinées dans nos actions et notre schéma mental.

 

     Ainsi donc les chakras sont prêts à être éveillés, sans que vous ne soyez entraîné par des schémas et comportements profonds (samskara) imprégnés dans votre esprit depuis des années.

 

     Pendant l’éveil, qui fluctue d’abord, jusqu’à ce qu’il se stabilise complètement, la rencontre avec le contenu des plans variés de la conscience continue.« La destinée d’un individu est déterminée par son rayonnement inconscient » a dit un écrivain danois, Poul Martin Moller.

 

      La relation entre corps esprit émotions et énergie vitale (prana) est communiquée à travers les chakras majeurs. Quand ils sont éveillés vous obtenez une perception intérieure des différents plans de votre être et de vos réactions normalement inconscientes. Vous vous rendez compte combien vos états d’âme influencent l’émergence de vos actions.

 

     Éventuellement les chakras peuvent s’ouvrir complètement, les filtres d’interprétation des rayons ou des vibrations de l’énergie cosmique ont disparu.

 

     Quand nous ne résistons plus et que nous laissons les chakras communiquer librement, l’énergie circulant sans retenue entre eux comme elle le fait à travers l’univers, alors, nous entrons dans le grand tout comme des grands êtres cosmiques.

 

Le Dharma de l’arc en ciel de Tan Swie Hian :

« Dans le dessert le voyageur dit à la grande lumière blanche
je ne peux pas te regarder en face,
immédiatement la lumière se divise en huit arcs en ciel. »

     Ou bien les phénomènes mentionnés ci-dessus sont simplement une autre façon de décrire comment les différentes parties du cerveau communiquent mieux après la méditation – ce que vous notez quand vous voyez les résultats des mesures scientifiques effectuées et entendez les expériences des gens. Un meilleur contact avec les émotions et entre corps et esprit se réalisent (cela sera développé dans le prochain numéro).

 

Outils pour élever la conscience

 

     La manière dont nyasa élève la conscience des différentes parties du corps et de l’esprit et les combine avec un mantra (son) ou un yantra (diagramme puissant) et des symboles est assez semblable à la manière dont un chakra est rendu conscient ou éveillé.

 

     Chaque chakra peut être touché dans nyasa de diverses façons. Nombre d’entre eux sont utilises en Yoga Nidra. En voici quelques uns :

  • En sentant les zones de contact du corps (comme dans les postures classiques du yoga).
  • En sentant les tons et les sons intérieures plus subtils (ce qui se passe dans le chakra vajrohan ou des tons sont chantés sur chaque chakra et à travers le nada yoga intérieur, le yoga des sons – voir le magazine précédent du Bindu- et jusqu’à un certain point par une forme particulière de musique indienne).
  • Mentalement à travers l’esprit qui a plusieurs dimensions, en nommant les chakras, en plaçant leur mantra germe là – et par l’utilisation de symboles.
  • A travers les cinq éléments, leurs symboles et diagrammes respectifs.
  • A travers des symboles d’animaux (probablement une réminiscence shamanique)..
  • A travers l’énergie où les exercices de respiration joue un rôle vital dans le nettoyage des canaux d’énergie (nadi). En nyasa vous vous branchez sur la fréquence de divers courants énergétiques en « plaçant » des lettres ou des mantras sur les « pétales de lotus ». Ces pétales représentent les passages d’énergie liée à chaque chakra.
  • Avec des « clefs », en forme de diagrammes (yantras) et de symboles pour créer un contact avec des niveaux plus profonds des chakras.
  • A travers des mandalas (ou déités) en tant que site (ou représentation) de l’énergie cosmique qui coule à travers le chakra et le maintient ouvert et propre.
  • Et par la conscience elle-même.

     D’où vient la connaissance de ces outils et symboles, peut-on se demander. Nous savons que cela peut subvenir dans nos rêves et donc on peut répondre que peut-être cela vient de cette autre réalité, la réalité intérieure. Oui, mais ils viennent aussi des expériences des yogis. Cependant les descriptions de ces clefs ne sont que des marques sur le chemin à confirmer ou rejeter selon sa propre expérience.

 

     Ceci traitait du toucher (nyasa) et un peu de l’éveil, mais on est loin de toute l’histoire.

 

     Quand un chakra a été purifié et éveillé grâce aux méthodes de yoga et à l’instruction personnelle, il commence à se manifester dans la vie consciente. De par l’éveil, il s’en suit de nouvelles capacités et sensibilités, une sorte de sens au-delà du physique seulement (voir le Bindu no 4 dans l’article sur kriya yoga).

 

     De plus, certains peuvent voir quand un chakra est actif chez une autre personne. Ma première expérience de cela fut quand je vis un cône d’énergie en forme de spirale bleu gris projeté du centre entre les sourcils d’un professeur de yoga danois que je connaissais quand j’étais jeune.

 

Chakras dans le Yoga Nidra

     Selon Paramahansa Satyananda le Yoga Nidra commence réellement avec l’expérience de ces chakras.

 

     On connaît aussi l’existence des chakras dans d’autres cultures comme nous l’avons vu chez les Hopis aux USA, mais aussi chez les alchimistes en Europe, et les Inuits du Groenland et du Canada, juste pour en mentionner quelques uns des exemples les plus remarquables.

 

     Dans le Yoga Nidra profond nous utilisons huit des chakras majeurs pour contacter les divers plans de conscience.

 

     Sur mon CD (Experience Yoga Nidra) j’utilise les mantras (certaines syllabes sonores) reliés à chaque chakra, ainsi que des symboles visuels conformément aux traditions de l’Inde et d’Europe.

 

     Quand j’ai commencé à enregistrer Experience Yoga Nidra, pendant mon enseignement aux USA, le musicien indien Roop Verma fut inspiré pour enregistrer les anciens symboles musicaux des chakras. Il était le premier à faire cela. Cette musique spéciale a été immergée dans mon texte et les instructions pendant le Yoga Nidra profond.

 

     On parle souvent des chakras en liaison avec le kundalini yoga, un ensemble de méthodes et de méditations utilisées pour harmoniser et éveiller l’énergie psychique. Le nom Kundalini Yoga est aussi utilisé comme marque commerciale d’un mouvement contemporain – bien qu’ils enseignent seulement un yoga standard.

 

     Kriya yoga est probablement la forme la plus profonde et la plus efficace du Kundalini Yoga. Il peut d’une façon stupéfiante renforcer le champ d’énergie du corps, chasser les dépressions, accroître la créativité, et vous ouvrir à la connaissance directe des aspects authentiques de la vie mystique et spirituelle.

 

     Les chakras sont relies a des zones spécifiques dans le cerveau. Quand ils sont relaxés et harmonisés pendant le Yoga Nidra, la libération des états indésirables comme la confusion d’esprit et le manque de concentration peut s’effectuer. Celui qui éveille ses chakras par le yoga et la méditation, voit s’ouvrir de nouvelles capacités inconnues jusqu’alors de communication, de perception intérieure et de créativité.

La conscience

     L’éveil de la conscience à travers nyasa libère tensions et léthargie et par là, guérit des maladies ; mais avant tout il vous amène à un contact avec chaque partie de votre être.

 

 

     L’instruction en Yoga Nidra à travers les différentes parties du corps et de l’esprit, non seulement rend le corps plus conscient plus relaxé et éveillé, mais aussi exerce votre capacité à employer diverses régions du cerveau, à la fois celles connectées au corps physique et celles reliées aux chakras.

 

 

     D’après les recherches menées à l’Hôpital Universitaire d’État de Copenhague au printemps 1997 – traité dans un autre article de ce magazine – il apparaît que les différentes parties du cerveau sont activées en fonction des zones suggérées en Yoga Nidra sur lesquelles se fixe l’esprit, (cependant cette recherche n’a pas mesuré la section de Yoga Nidra reposant sur les chakras majeurs).

 

Relaxation ou purification

      J’ai eu la chance d’apprendre une forme de Yoga Nidra en parfait accord avec nyasa comme celui utilisé dans le tantra. Simplement lire ou étudier des textes tantriques vous dit peu de choses et même rien sur la façon d’utiliser nyasa, par exemple en Yoga Nidra.

 

 

     Dans le texte « Laxmi Tantra » qui guide les rites et pratiques sexuelles du tantra, nyasa termine une séquence, dans laquelle des exercices de respiration et le nettoyage des cinq éléments font partie. Cette pratique s’appelle bhutasuddhi, purification du corps. Ici nyasa fait un lien entre la purification intérieure et la purification extérieure.

 

 

     Est-ce que cela veut dire que l’on purifie corps et esprit en « plaçant » mentalement un mantra sur un point du corps ou en y pensant simplement ? La réponse est oui, et de plus en faisant un mudra (position des doigts) ou en touchant mentalement et ainsi faisant l’expérience d’une partie du corps, le corps est vivifié et rendu conscient.

 

 

     Micheline Flak enseigne le yoga en France. Elle dirige aussi le R.Y.E. (recherche dans l’utilisation du yoga à l’école) qui est décrit dans le Bindu no 6. Elle fit une expérience pendant Yoga Nidra, d’abord avec un groupe de professeurs de yoga en séminaire, et ensuite dans son enseignement quotidien.

 

 

     L’une des sections de Yoga Nidra implique de passer en revue les parties du corps en y pensant, et en les ressentant au fur et à mesure qu’elles sont nommées selon l’instruction. Vous commencez avec le pouce de la main droite, puis l’index et ainsi de suite. Ainsi vous expérimentez d’abord le coté droit, puis le coté gauche. Cela se fait au début de Yoga Nidra sans interruption normalement.

« Quand je les ai eu amenés à travers le coté droit, touchant et ressentant mentalement les parties du corps dans l’ordre fixé, je me suis arrêtée et je leur ai demandé de remarquer s’il y avait une différence entre les deux cotés du corps. Ensuite, lors de la discussion, les étudiants étaient surpris de la différence expérimentée à travers ce petit exercice. » (Micheline Flak)

     Les étudiants avaient remarqué que le coté juste touché mentalement était vivant, léger et aisé, alors que le coté qui n’avait pas encore était sollicité était dans l’état normal, un peu lourd, fatigué.

 

     Dans mon propre enseignement j’ai eu le compte rendu d’une étudiante, maintenant professeur de yoga.

« Il y a de nombreuses années dans un stage de trois mois au Centre de Håå. Nous étions confortablement installés et attendions de faire Yoga Nidra sous la direction de Swami Janakananda. Et quel Yoga Nidra ! Pour une raison inconnue il parcourut deux fois le coté droit et oublia le coté gauche. L’effet se fit vite sentir. Nous avons tous ressenti une sensation comme qui dirait bancale. C’était un étrange sentiment d’avoir plein d’énergie d’un coté, et de l’autre une difficulté à le sentir. C’est passé, mais je me suis aperçue quel effet puissant Yoga Nidra avait. » (Shanti)

     Dans la culture occidentale contemporaine le mot relaxation est employé tous azimuts. Le mot ou terme relaxation n’est pas communément utilisé en Sanscrit, en Inde, en relation au yoga et au tantra. Là, le champ du mot « relaxation » comprend des techniques variées, appelées de noms divers, le mot nettoyage (suddhi) étant l’un d’eux. Mais le résultat de ces méthodes est le même qu’avec ce que nous appelons relaxation. Relaxation signifie libérer les tensions – corps et esprit sont débarrassés de tensions.

 

 

     Le fait que corps et esprit forment un tout est notion courante de nos jours. On l’exprime par le mot psychosomatique. Les tensions de l’esprit produisent des tensions du corps et vice versa ; et effacer une tension de l’esprit efface celle du corps. Dans nyasa, et donc en Yoga Nidra, ceci arrive sans essayer de se relaxer. On expérimente le corps consciemment et cela seulement relâche les tensions.

 

Vous prenez une résolution…

     Prendre une résolution en Yoga Nidra est favorable et efficace. Ce serait dommage de ne pas le faire quand vous pouvez l’utiliser pour diriger votre vie.

 

 

     Vous faites seulement une seule résolution pour ne pas disperser votre énergie et brouiller votre esprit. Si vous faites plusieurs résolutions ou plusieurs visualisations à la fois vous aurez probablement des résultats, mais cela ne sera pas durable et profond.

 

 

     Chaque jour, ou de temps à autres, pendant une demie heure ou plus, vous pouvez vous octroyer un relâchement de vos pensées et émotions courantes et les laisser défiler. En ne s’accrochant pas à ce qui émerge dans l’esprit vous vous rappelez qui vous êtes et les doutes ne s’enracinent pas. Dans l’état de relaxation, votre résolution fonctionne à plein. (Lire plus dans mon livret accompagnant le CD.)

 

 

mais…

     Pour que la relaxation soit effective, l’état de relaxation ne doit pas procéder des techniques ou méthodes d’hypnose – on ne devrait pas utiliser des suggestions pour entrer dans un état artificiel et limité.

 

 

     Quand vous expérimentez Yoga Nidra vous remarquerez que l’on ne vous demande jamais de vous relaxer ou d’imaginer qu’une partie du corps se relaxe – le mot relaxation n’est jamais employé pendant toute la direction. Ce n’est pas le sujet de Yoga Nidra.

 

 

     Yoga Nidra comprend des techniques qui attirent un état ou l’être est vitalisé – le résultat est un état de relaxation stable et ininterrompu dans le corps et le cerveau entier pendant la pratique de Yoga Nidra. (Voir les deux articles de Robert Nilsson dans ce numéro).

 

 

     Nyasa, et donc Yoga Nidra, est fondamentalement différente de beaucoup de thérapies modernes qui se basent seulement sur l’hypnose, même si elles ne se disent pas hypnose, mais utilisent d’autres noms et marques commerciales – oui parfois même le mot méditation.

 

 

     « Ne perdez pas votre temps à essayer de changer la mentalité des gens, après vous quelqu’un du genre Hitler risque d’arriver et de tout balayer de toute façon. » m’a dit un jour Swami Satyananda tandis que je m’apprêtais à rentrer en Europe enseigner. Il me choqua profondément par cette puissante image – que voulait-il dire par là ?

 

 

     Quel intérêt y a-t-il à ce qu‘une autorité vous donne toutes les explications avant de vous laisser expérimenter par vous-même ? Il est si facile d’être influencé par quelqu’un qui arrive là avec une image puissante, et une « rapide » solution, et vous incite à adhérer les yeux fermés. Les gens ne peuvent pas être libres, à moins de leur apprendre que c’est au travers de leur propre pratique qu’ils atteindront leurs propre libération de toutes dépendances et la transformation de corps, esprit et conscience.

 

 

     En d’autres mots, Swamiji voulait dire que plutôt que de changer le point de vue et les habitudes des gens, je devrais les aider afin qu’ils acquièrent d’eux-mêmes, une plus grande vision, perception et sagesse. Cependant, cela ne veut pas dire qu’ils doivent éviter d’être raisonnables et persévérants.

 

     Expérience, vision intérieure et réalisation sont tout le contraire de l’hypnose. L’hypnose c’est comme brûler de l’encens dans une pièce qui sent mauvais pour masquer l’odeur. La capacité d’expérimenter, de rendre conscient, c’est comme nettoyer la pièce et l’aérer. Personnellement je refuse des méthodes qui me programment, mais je désire plutôt celles qui me libèrent de mes vieux schémas et élargissent ma conscience.

 

     « Tout est hypnose » auriez-vous envie de me dire – et je peux tout à fait vous comprendre. Nous sommes influencés par toutes sortes de choses du berceau à la tombe. C’est exactement pourquoi nous avons besoin de temps à autres d’outils afin de vider le corps et l’esprit, de l’accumulation d’impressions habitudes et pensées toutes faites.

 

     La libération, en fait, repose sur l’utilisation de la vision intérieure et de l’attention pour voir ces influences là. Le sage ne réagit pas contre ces influences, il n’essaie pas de les arrêter, au lieu de cela il expérimente tout et abandonne ce qui n’est pas utile. C’est sur cette base-là que la méditation est apparue.

 

     Les mythes que nous créons constamment pour éviter l’expérience directe de la vie sont très proches de l’hypnose. Dans l’hypnose, les notions de réalité prennent souvent le pas sur la réalité même.

 

     Tout au long de l’histoire des Hommes, il y a eu un grand nombre d’exemples de peuples désireux de savoir que penser du monde, au lieu de l’expérimenter par eux-mêmes. Ainsi armés, ils peuvent ne pas être d’accord avec « les autres », ceux qui ont (se sont permis d’être influencés pour avoir) un point de vue différent. Des interprétations divergentes de la réalité peuvent ainsi s’affronter, et sur un plus large plan, créer des guerres religieuses et politiques.

 

     L’individu qui ne trouve pas satisfaction dans les promesses des dernières mythologies ou thérapies souvent finit aigri et frustré – et cherche la cause à l’extérieur de lui-même. Même le professeur disposé à l’amener hors de ses limitations est parfois accusé. Peu importe le niveau d’intelligence du professeur il ne peut nullement être tenu pour responsable de réaliser ou non les espérances de l’étudiant – à condition qu’il ou elle n’ait pas aidé à entretenir ces perspectives. En finalité, c’est l’individu lui-même et la société qui sont responsables des attentes qu’ils ont et personne d’autre n’est responsable si elles ne sont pas satisfaites.

 

     L’intolérance envers ceux qui pensent différemment n’existe pas parmi les individus qui sont conscients et qui expérimentent au lieu de théoriser. Mon expérience est personnelle et je m’aperçois que certains n’ont pas nécessairement besoin de mon expérience et de mon interprétation – ils ont les leurs.

 

     Disons que nous avons tous plus ou moins les mêmes organes et système nerveux, et plus ou moins le même esprit. Nous avons appris cela à la fois dans les sciences modernes et l’expérience de la tradition du yoga et du tantra – vieille de plusieurs millénaires donc on peut exhumer et préserver des techniques et méthodes qui fonctionnent peu importe l’attitude devant la vie, peu importe la nationalité, le contexte ou l’age.

 

Chacun doit faire un choix…

     Tout naturellement chacun est porté à faire un choix selon ce qu’il veut faire de sa vie et donc faire le choix des influences et des buts qu’il veut voir s’accomplir. L’inverse serait de s’asseoir au volant d’une voiture en marche sans en prendre le contrôle. Et plus haut nous mettons la barre, plus facile est-il de voir les autres choses s’arranger d’elles mêmes.

« Dès l’instant où l’on s’engage, la Providence s’y met elle aussi. Il arrive toutes sortes de choses pour nous aider qui ne se serait produites autrement. Tout un flot d’événements, toutes sortes de faits imprévus, des rencontres fortuites et une aide matérielle, que nul ne pouvait rêver de voir. » (W.H. Murray, inspiré de Goethe)

« Tout ce que tu peux faire, ou rêver de faire, entreprends-le. L’audace est porteuse de génie, de pouvoir et de magie. » (Goethe)

     Ce que Goethe exprime ici n’est pas un postulat, mais une observation qu’il veut transmettre, et qui fait de lui, un mystique et non un prêtre répétant une doctrine par cœur.

 

     Il est évident qu’il doit y avoir un équilibre entre les influences (la résolution prise dans le Yoga Nidra) et la faculté de rendre conscient. L’expression « rendre conscient » ne signifie pas pour moi analyser et juger, mais le fait de toucher, l’attention, la réceptivité, la participation et – le fait de placer la conscience, nyasa.

 

     Sentir ou juste penser à un point suffit à le vivifier. Être conscient des possibilités de la vie qui se présentent spontanément, avoir le courage de les accepter, c’est vivre consciemment.

 

     « Un grand saint, un mahatma, un yogi, un prophète ou un gyani vit sur terre comme n’importe quel être humain. Il pense, jouit de la vie et mange comme les autres. La grande différence entre un yogi et un homme ordinaire c’est qu’il a éveillé une faculté endormie que l’on appelle la conscience, tandis que l’autre ne l’a pas fait. Il est toujours conscient. On l’appelle un drastha -un voyant. Il est le témoin des événements. Votre but sur le chemin, de réaliser et d’éveiller vos facultés dormantes devrait peu à peu être celui de développer cette faculté de la conscience en vous. Devenez un voyant…” (Paramhansa Satyananda)

 

Yoga Nidra

     Rendre conscient en pensant à certaines parties du corps dans un enchaînement précisément déterminé avec précision, et en ressentant ces zones ou en les nommant mentalement, est certainement la chose la plus facile, la plus originale et peut-être donc la plus efficace des pratiques de nyasa – en faisant l’expérience de la chaleur et du froid, de la lourdeur de la légèreté, de la souffrance et du bien être, et de tout le reste dans Yoga Nidra comme les chakras, certains symboles et paysages que l’on se rappelle.

 

     Dans le Yoga Nidra profond, chaque partie de votre être, toutes vos facultés sont touchés, nommées et vitalisées, à travers nyasa, et c’est précisément cette expérience qui va créer le bien-être et la clarté.

     C’est grâce au génie de Paramhansa Satyananda que nous pouvons utiliser cette méthode efficace de Yoga Nidra de nos jours, et nous devons lui rendre hommage de nous avoir révélé nyasa à travers la relaxation Yoga Nidra, de sorte que chacun peut en tirer profit.

 

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