PARLONS DES APTITUDES A FAIRE L'EXPERIENCE
Par Swami Janakananda - Bindu n°3
A l’extérieur, être ici et maintenant; et intérieurement, dans vos pensées et vos attitudes, vous voir en tant que conscience
La faculté de réaliser l’expérience intérieure selon ma propre compréhension, est le processus le plus libérateur et curatif que nous possédons. Cet article vous en explique le concept à la fois dans sa relation avec votre vie intérieure par son utilisation en méditation et par des méthodes simples mais puissantes que vous pouvez utiliser pour rester en harmonie avec le monde extérieur autour de vous.
L’aptitude à faire l’expérience intérieure – soit, être constamment attentif et présent – peut s’apprendre et se développer. Le moyen d’apprendre cette faculté nous la trouvons par exemple définie dans la tradition du yoga et de la méditation tantriques.
La première tâche du professeur est d’éveiller la capacité de l’étudiant à faire sa propre expérience et à le sortir de la prison des jugements, le sortir de toutes ses peurs et passions, tout ce qui l’amène à s’oublier lui-même et le détourne de son but. La première étape sur le chemin débute en apprenant la méditation Silence Intérieur (Antar Mauna).
Lorsque, au début de cette technique de méditation, vous apprenez à sentir la totalité des sons autour de vous et que grâce à la technique vous arrivez à vous détacher des pensées, alors cela joue sur tout l’organisme pas seulement sur l’esprit. Ce détachement qui s’opère par rapport aux pensées et aux sentiments crée aussitôt un sentiment d’harmonie et de paix et vous réalisez qu’il n’est pas nécessaire de s’identifier à tout ce qui germe dans votre esprit. Je sais cela par expérience, mais néanmoins je suis étonné des résultats que mes étudiants obtiennent régulièrement.
Dans un cours de méditation à Copenhague, j’avais une jeune femme qui souffrait de diabète depuis des années. Le soir même du deuxième cours ou elle apprenait à se détacher de l’environnement et de ses pensées sa production d’insuline est remontée naturellement. Ceci m’amena à me poser des questions à savoir s’il n’y avait pas vraiment autre chose au delà d’une méditation ponctuelle sur les pensées et les sons pendant un moment sans implication au point de faire disparaître la cause de la maladie. Probablement le jugement le plus pernicieux que l’on puisse avoir sur la méditation c’est que c’est difficile et qu’il faut lutter et faire des efforts.
En tant que chercheur on peut facilement s’impliquer. On peut se perdre dans des rêves personnels, ou des illusions emplies d’idéaux démesurés à réaliser ou on peut jouer des rôles, ou s’accrocher à des attitudes à la mode ou à des philosophies de la vie toutes faites ou à diverses mythologies – mais rien de tout cela ne peut renforcer l’aptitude à faire sa propre expérience de même qu’il n’amène pas à un meilleur contact avec sa propre réalité.
D’un autre côté grâce à la méditation -surtout si l’on souhaite la développer par un entraînement personnel dans une structure plus adéquate et plus active (comme un ashram) ou faire un cours plus approfondi dans une retraite – le professeur peut guider l’élève à trouver sa véritable identité et à réaliser son être essentiel. Quand vous savez qui vous êtes, quand vous vous sentez être spectateur au milieu de la vie, comme conscience, alors il est possible de rester ouvert et de laisser les expériences se manifester spontanément et ainsi demeurer détaché face à cela. Pendant la méditation je laisse les choses surgir telles quelles et je les laisse passer sans résistance. Je me rends compte que je n’ai aucunement besoin d’utiliser de l’énergie pour éviter des perturbations extérieures ou intérieures – elles se transforment et font partie de mon expérience et disparaissent au fur et à mesure qu’elles se produisent.
Ce n’est pas seulement dans votre intérêt mais cela va aussi se répercuter dans votre environnement et accroître votre tolérance envers les autres.
Une dame habitant une grande ville en Norvège, responsable dans un travail exigeant, décrivit ceci en faisant la comparaison entre les périodes de classes de yoga et les périodes ou elle n’avait pas le temps d’y assister : « L’expérience que j’obtiens à travers le yoga et la méditation influence toute ma journée normale de travail. Les choses s’enchaînent mieux, il n’y a pas autant de malentendus ni de bugs au travail. De plus tout se passe plus tranquillement dans la famille pendant ces périodes ou je pratique le yoga et la méditation. »
Recherche sur la conscience
Un groupe international de scientifiques intéressés par des recherches sur la conscience se rencontra en 1980 aux Etats Unis à la Conférence de recherche sur la conscience humaine. Au fur et à mesure de leurs recherches ils découvrirent des raccourcis aux méthodes les plus efficaces destinées à libérer le potentiel de l’esprit. Pendant plus de dix ans ils avaient étudié les résultats obtenus à partir d’une large panoplie de thérapies diverses, de méditation etc. cherchant à savoir comment les gens réussissaient à gérer leur vie quotidienne et leurs propres problèmes avant et après avoir été en contact avec l’une des méthodes ou une autre. Ils arrivèrent tous à la même conclusion. Quoique vous fassiez ou étudiez vous ne tirerez aucun bénéfice si vous n’éveillez pas ou ne développez pas votre attention afin d’être présent et attentif à ce qui se passe ici et maintenant – en vous-même et autour de vous.
« Une névrose » dit Daniel Goldman à cette conférence « d’une façon ou une autre est une maladie de carence et ce qui manque c’est l’attention ».
Le mot « attention » ne suffit pas pour décrire cet état. Conscience semble plus exact. Pour l’instant, je préfère utiliser les termes « d’expérience totale » ou « d’éveil ».Soit une harmonie où tout ce qui se passe dans l’environnement a la même signification quelques soient ses proportions ou son intensité. Vous ne faites plus qu’un avec la situation donnée quand vous faites l’expérience totale. Vous prenez donc conscience du moment où quelque chose vous détourne de la totalité ou de vous-même. Cependant cela ne signifie pas qu’il faut se tenir sur ses gardes ou avoir une attitude critique à la recherche d’ événements particuliers ou de sensations particulières. De même vous ne devez pas essayer d’écarter ce qui se passe en décrivant ou analysant ce que vous expérimentez.
Quand nous nous laissons aller à vivre dans la disharmonie nous ne la fuyons pas mais nous restons, nous-mêmes, dans cette expérience – alors simplement en percevant cela nous pouvons l’incorporer cela dans l’expérience de la totalité ou nous en libérer. Dans un ancien texte tantrique Vigyan Bhairava Tantra il est écrit : « Au moment d ‘éternuer, pendant la peur, l’anxiété, au bord de l’abîme, en lançant une offensive, dans un moment extraordinaire, au moment où la faim se fait sentir, après être rassasié maintenez une attention constante. »
Eveil sur le plan intérieur
On peut aussi utiliser et développer ses capacités à faire l’expérience intérieure en méditant d’ une façon particulière sur sa propre forme, le corps. Cette méthode nous permet de transcender le corps pour arriver à des états proches de notre essence. Nous pouvons aussi approfondir cet état en portant l’attention sur la respiration. Ressentir le corps et la respiration en totalité – sans troubler ni la position du corps ni le processus de la respiration – non seulement libère les tensions mais possède aussi un effet curatif.
Quand vous vous concentrez sur la respiration par exemple vous ne cherchez pas à la modifier ni à la contrôler. Vous vous contentez de laisser le corps respirer, tandis que vous suivez le processus de la respiration et vous le ressentez en vous. C’est une technique que l’on utilise d’une façon ou d’une autre dans toutes les traditions sur terre où il est question de méditation. De la même façon vous agissez face à vos pensées, vous n’intervenez pas sur les pensées et vous n’essayez pas de les comprendre vous en êtes juste conscients et vous vous permettez de les considérer comme des objets que vous observez. Cela peut révéler certaines pensées automatiques et récurrentes, selon le programme « voilà comment je suis ». Quand vous vous êtes familiarisés avec la méditation vous vous rendez compte que vous n’êtes pas ces schèmes de pensées et que vous pouvez choisir de les suivre ou non.
Sur cette base vous pouvez prendre des résolutions et les mener à bien. Ou bien, vous pouvez vous libérer d’anciennes influences inconscientes. Par exemple une angoisse latente peut se révéler et être écartée. La recherche médicale effectuée pendant six années consécutives pendant les trois mois annuels de stage à l’école Scandinave de Yoga et Méditation au centre de Håå au sud de la Suède montre clairement que la méditation atténue l’anxiété.
La méditation nous permet de nous confronter à nos attitudes inconscientes qui parfois surgissent et déterminent notre vie quotidienne, et nous aide à les dépasser : un manque de motivation, une attitude de contrainte et d’excessive réserve, un profil bas (comme celui qui se cache au lieu de faire ce qu’il désire vraiment) les pensées pleines de haine et de doutes…
Mais nous n’avancerons guère si nous nous trouvons frustrés, ou si nous supprimons les pensées – au contraire – et s’il nous vient à l’idée de les examiner et de les analyser en les jugeant bonnes ou mauvaises alors nous nous y attachons et devenons complètement impliqués.
Les techniques de méditation permettent une ouverture d’esprit, le cerveau se relâche et demeure ainsi pendant toute la méditation. Quand vous devenez le témoin de vos pensées sans vous y identifier alors vous êtes capables de ne pas vous bloquer ni de vous refermer dès que des attentes des appréhensions ou le désir d’une expérience particulière se présentent et vous n’êtes plus influencés aussi facilement par ce qui vous fascine. L’état de méditation vous permet de rester vous-mêmes en tant que spectateur. A l’endroit où s’élèvent les pensées et les émotions vous êtes présents, c’est là que la conscience ou l’éveil est nécessaire.
« Dis le nom du troll et il disparaît » dit le conte de fées. Cela marche presque comme un miracle, mais admettre et se rendre-compte qu’une pensée ou un état d’âme apparaît est suffisant pour le neutraliser. Lorsque pendant la méditation nous pratiquons et développons notre aptitude à rester silencieux en nous contentant de voir les pensées, les émotions ou l’état en question alors nous sommes libérés de cette influence.
Eveil sur le plan extérieur
Egalement à l’extérieur dans votre environnement vous êtes présents et en conscience. Vous pouvez utilisez ces méthodes soit face à des événements intenses et difficiles soit dans votre propre environnement du moment présent pour le ressentir dans sa totalité. Ainsi vous vous servez de ce que vous avez appris en méditation, cela devient naturel pour vous d’être plus conscients dans la vie quotidienne. Ceci aussi est une partie importante du processus de libération dans la tradition tantrique du yoga et de la méditation. Une dame professeur de yoga donne un exemple très clair de cette présence. Elle me raconta la naissance de son premier enfant.
« Dans mes cours pour les femmes enceintes je leur apprends la respiration psychique, la respiration haletante et je leur apprends à suivre la respiration spontanée. Mais quand ce fut mon tour, j’étais tellement absorbée par cet événement, c’était tellement passionnant que j’en ai oublié même les techniques de respiration. J’avais décidé de ne prendre aucun médicament anti-douleur. Au moment des contractions, et c’était douloureux, je choisis d’entrer dans la douleur et de la ressentir. C’est alors que tout a changé. La douleur disparût et j’étais complètement concentrée à l’intérieur de l’utérus en ressentant pleinement le mouvement de poussées et de retenues… »
En conclusion, je vous suggérerais de faire une expérience par vous-mêmes, quelque chose qui peut changer toute votre attitude envers la vie. La prochaine fois que vous entrerez dans un lieu plein de monde – ce peut être aussi dans un bus, au travail, dans une fête, au supermarché ou à un concert – restez un moment à l’entrée ou au milieu de la pièce. Restez immobiles et ressentez toute l’atmosphère et vous-mêmes au milieu. Laissez votre attention se répandre jusqu’à ressentir tout et dans ce tout chaque détail qui peut émerger.
Comparez cet état d’esprit avec celui qui vous gagne lorsque dans une situation semblable vous marchiez tête baissée ou accrochés au premier détail ou à la première personne rencontrés.
Si parfois votre environnement vous accable ou si vous êtes introvertis ou prisonniers de vos pensées vos émotions ou vos états d’âme alors ceci est une méthode de départ pour vous rendre libres de cette pression. Vous verrez une telle différence que vous aurez du mal à y croire.
Swami Janakananda s’est servi du yoga la plupart de sa vie et depuis 1968 comme disciple de Swami Satyananda. Swami Janakananda est le fondateur de Scandinavian Yoga and Meditation School, avec des succursales partout en Scandinavie et dans le nord d’Allemagne. Son livre, Yoga, Tantra et Meditation dans la Vie Quotidienne, maintenant traduit en sept langues, a confirmé son renom international comme un exposant conséquent et indépendant de yoga et de méditation.
Swami Janakananda vit au Centre international de Håå, dans le sud de la Suède. Un endroit où où les gens se rassemblent de partout dans le monde pour participer aux stages et retraites avancés ou pour vivre dans l’ashram. L’enseignement se fait le plus souvent en anglais mais aussi dans les langues scandinaves. Ici, entre autre, Swami Janakananda forme des professeurs de yoga et enseigne le Kriya Yoga tantrique.
Et encore...
* Ces articles trouvent leur source
dans la brochure de présentation
du Centre International de retraites de Haa.