YOGA NIDRA ET ACTIVITE CEREBRALE
Par Robert Nilsson - Bindu n° 11
Images de l’activité du cerveau pendant le Yoga Nidra
On n’avait pas imaginé qu’en méditation les adeptes pouvaient contrôler leur conscience à ce point. (Chercheur en neurosciences Troels Kjær, Institut Kennedy, Copenhague, Danemark)
Préparation du scanner à l’hôpital universitaire d’Etat de Copenhague. Les 21 électrodes reliées à l’EEG sont en place sur la tête. Il suffit de poser les écouteurs pour le Yoga Nidra sur la tête. Seul le sujet d’expérience demeure dans la pièce quand l’opération commence.
Les chercheurs ont réussi pour la 1ère fois à enregistrer des images du cerveau pendant une profonde relaxation méditative avec un temps d’exposition très court d’une minute par image. Les images ont été enregistrés par les instruments de recherche médicale les plus sophistiqués, le scanner PET de l’hôpital universitaire de Copenhague. Ce fut surl’initiative des chercheurs, Dr Hans Lou et Dr Troels Kjær, de l’Institut Kennedy de Copenhague.
Quand ils nous ont contacté, ils ont dit qu’ils voulaient mesurer le degré d’attention. Mais comment faire cela ? A l’École Scandinave de Yoga et de Méditation nous avons déjà collaboré avec un certain nombre de chercheurs qui étudiaient les effets des exercices de respirations yogiques sur la pression sanguine entre autres. Nous avons aussi pendant 6 années consécutives au Centre de Stages de Håå suivi les participants au stage de 3 mois pour déterminer les effets de ce stage sur le niveau sanguine de cholestérol, sur l’équilibre hormonal du corps, sur l’équilibre des deux parties du cerveau, et sur le résultat de l’entraînement de l’attention, par exemple la réduction de la peur chez une personne normale.
Cependant mesurer la conscience et le fonctionnement du cerveau pendant l’application contrôlée de l’attention était quelque chose de tout à fait nouveau pour nous. D’abord on a proposé d’expérimenter sur des pratiquants du Kriya Yoga. C’est une méditation qui a fait ses preuves dans d’autres expériences (nous en reparlerons dans le prochain numéro). Comme il faut être couché dans le scanner, on ne peut pas expérimenter sur une personne assise en méditation. Nous nous sommes mis d’accord de faire l’expérience sur des personnes pratiquant Yoga Nidra, guidées par Swami Janakananda, à partir d’une cassette ou CD, ce qui nous assurait que chacun faisait exactement la même chose. Nous nous sommes aussi limités aux pratiquants réguliers de Kriya Yoga qui devaient pratiquer le matin juste avant de se rendre à l’hôpital pour l’imagerie.
Les mesures
Les sujets passaient un par un, au scanner PET. Il suffit d’une minute pour rassembler les données d’une image mais il faut attendre 10 minutes avant que la prochaine puisse être enregistrée. Ainsi a-t-on réalisé 8 images, lesquelles montrent les zones actives du cerveau avant (une image), pendant (quatre images), et après le Yoga Nidra (trois images). La personne allongée dans le scanner n’est pas dérangée par l’imagerie mais pratique le Yoga Nidra profond du début à la fin. En même temps un électroencéphalographe (EEG voir p.5) mesurait l’activité du cerveau pendant tout le processus. La courbe EEG montrait, comme on s’y attendait, que les sujets se trouvaient dans un état de méditation pendant tout le Yoga Nidra.
Ensuite les images furent recoupées au même format car il était important de pouvoir superposer les zones du cerveau précisément (espace de Talairach). On a ainsi comparé les données des images et calculé leurs valeurs moyennes.
Des images en état de veille normal, yeux fermés, ainsi que pendant 4 pratiques différentes de Yoga Nidra a été enregistrées. En comparant les données, et en éliminant l’activité cérébrale normale, de l’activité exercée pendant Yoga Nidra on voit quelles zones du cerveau sont activées davantage pendant Yoga Nidra. Pour distinguer les caractéristiques de l’état normal par rapport à l’état de Yoga Nidra on a combiné les valeurs des images enregistrées avant et après Yoga Nidra et on a ensuite soustrait les valeurs des 4 images enregistrées pendant Yoga Nidra.
Maintenant, les chercheurs voulurent voir les différences entre les diverses phases de Yoga Nidra. Lors de la 1ère image le sujet expérimentait son corps en particulier le visage, la 2ème était fait dans la phase de joie et bien-être, la 3ème dans l’expérience d’un paysage et la 4ème à la fin, avec la question « qui suis-je ». Après le traitement des données deux différents représentations apparurent : les activités « concrètes » telles l’expérience du corps et d’un paysage activaient une partie du cerveau (fig.4), tandis que les activités plus abstraites telles l’expérience de la joie et de la question « qui suis-je », en activaient une autre (fig. 3).
Les résultats
Les mesures de l’activité du cerveau (EEG) pendant Yoga Nidra indiquaient que les sujets étaient dans un état de relaxation profond tout le temps, comme dans le sommeil. L’activité thêta augmentait de façon significative sur toutes les 21 électrodes (11%p) la réduction de l’activité, alpha (2% NS) était insignifiante. Ceci démontre bien que l’état de méditation est différent de l’état de sommeil et indique un état conscient attentif. De plus, cet état demeure constant et uniformément représenté dans tout le cerveau pendant les 45 minutes que dure la relaxation.
L’expérience a duré 1 heure et demie pour chaque participant. Pendant cette période la personne restait allongée sans bouger. Quand l’état avant et après Yoga Nidra (simplement au repos, allongé), fut comparé avec l’état pendant Yoga Nidra les mesures ont montré une véritable différence entre les deux états. Cela prouve bien la nécessité d’utiliser des techniques pour obtenir des résultats tels que nous vous les présentons ici et dans d’autres articles du Bindu.
Les images du scanner PET montre que les sujets n’étaient pas dans un état somnolent ou inconscient comme on pourrait s’y attendre d’une personne qui se trouve dans un tel état profond. Les sujets gardent vraiment le contrôle de ce qui se passe. On voit clairement les régions spécifiques du cerveau activées par séquences, pendant les différentes phases de Yoga Nidra. Ce que se passe dans le cerveau et la zone impliquée n’est absolument pas le fait du hasard.
Il y avait une similarité surprenante entre les images des sept professeurs qui ont effectué l’expérience.
Ce qui peut apparaître paradoxal à des non initiés dans la méditation, c’est le fait que ces résultats démontrent parfaitement un haut pouvoir de concentration, et cela se fait absolument sans effort. Allongé, en Yoga Nidra, vous n’avez pas besoin de faire des efforts pour expérimenter les diverses images et sensations. Au contraire, le EEG montre bien que vous étés complètement relaxé du début jusqu’à la fin. Vous écoutez simplement les instructions et ressentez clairement ce qui se passe, comme un enfant écoute un conte – en participant activement, mais sans effort.
Les résultats confirment l’expérience des yogis : La concentration, c’est un état spontané qui s’installe tout seul quand on utilise une méthode appropriée pour lever les obstacles.
Et comme les docteurs disaient : « Cela prouve que 1,5 kgs (masse du cerveau) avec un certain contenu peut contrôler sa propre activité d’une façon incroyablement précise. D’un point de vue holistique, ceci signifie que corps et esprit sont indissociablement unis et agissent ensemble. »
Conclusion
La conscience dans le Yoga Nidra est un profond état stable.
Pour la 1ère fois la science montre qu’on peut être tout à fait conscient dans un tel état profond – et que l’on peut, en même temps, ressentir consciemment et contrôler son activité cérébrale. Ceci confirme que la méditation est un quatrième état à part entière, comme l’état de sommeil, de veille ou de rêve.
C’est pourquoi, on peut dire que ces résultats sont des nouveautés très importantes dans ce domaine de recherche !
1. état de repos
Ceci représente la photo prise avant et après Yoga Nidra. Elle représente bien l’état normal le plus proche de l’éveil, mais sans fatigue ni stress. Les adeptes du Yoga Nidra remarquent que, non seulement ils tirent profit de cet état à l’instant mais aussi tout le reste du jour.
Ici, c’est la région frontale du cerveau responsable du contrôle supérieur qui est activée. Elle permet en outre d’assurer le fonctionnement dans une société complexe en se fixant sur les signaux provenant des plus profondes régions émotionnelles et instinctives du cerveau. La base du cerveau et le cervelet sont aussi actifs, signifiant quelqu’un « prêt à l’action ».
2. état de méditation
Voici l’image de l’état général pendant tout le Yoga Nidra. Le centre visuel à l’arrière de la tête et le centre tactile (sens du toucher et de la direction) au sommet de la tête sont actifs et reliés au système limbique, impliquant une capacité accrue de visualisation et plus important un meilleur contact avec les émotions.
Certains professeurs révèlent aussi une activité distincte dans le centre de mémoire à long terme, ce qu’est en conformité des dires des pratiquants de méditation que des souvenirs très clairs peuvent subvenir pendant et après une méditation.
Il faut cependant souligner que l’expérience et la pratique régulière de Kriya Yoga peuvent intensifier les effets de Yoga Nidra.
3. phase abstraite
Cette image fut enregistrée pendant l’expérience du bonheur et à la fin de la relaxation pendant l’expérience de l’identité et du recentrage. Pendant ces « expériences abstraites » de Yoga Nidra le centre de la parole et du langage était en particulier actif. On doit dire cependant que ces images montrent seulement les zones les plus actives et non pas l’activité générale du cerveau comme dans la 2ème image.
4. phase concrète
C’étaient principalement les centres visuels et tactiles qui étaient sollicités tandis que les sujets se concentraient sur les différentes parties du corps (en particulier la face) et l’expérience d’un agréable jour d’été à la campagne.
En regardant les images (1, 2 et 4) il faut imaginer que les parties lumineuses sont aussi à l’intérieur du cerveau et non juste à la surface du cortex. Sur l’image 3 par contre, c’est bien le cortex le siège de l’activité. Toutes les zones actives étaient pratiquement similaires, symétriques, dans les 2 hémisphères du cerveau.
On a fait les images du cerveau au scanner PET (Positron Emission Tomographie) qui mesure la circulation du sang dans les différentes parties du cerveau. Il suffit d’injecter de l’eau avec une faible trace de radioactivité dans le sang.
Tomographie est dérivé du grec tomos, signifiant section. Le scanner PET enregistre de nombreuses sections du cerveau épaisses de 4.25mm, ce que donne une image de l’activité du cerveau en 3 dimensions. Quand une partie du cerveau est particulièrement active, le débit de sang augmente. Ainsi on peut voir la zone d’activité du cerveau intensifiée dans certaines conditions en comparant les images.
Intérêt de l’expérience : commentaire du psychologue Ronny Öhrnell
Jusqu’à présent les mesures d’EEG ont été à une dimension – résistance de la peau, pression sanguine etc. – et montraient seulement des changements d’état, c’est à dire la profondeur par exemple. D’un autre coté on n’a pas mesuré ou rendu compte du contenu de ces modifications. Dans cette dernière recherche on a pu ajouter une autre dimension rendant compte de ces changements d’états d’une façon vivante. On peut mesurer et voir ce qui se passe aux niveaux plus profonds de conscience.
La recherche montre l’activité de certains centres sensoriels mais c’est une activité intérieure. D’après notre propre expérience nous savons que les expériences intérieures sont davantage soumises à changements que les seules perceptions de nos sens dans notre réalité. Nos pensées, notre imagination, et nos rêves prennent constamment de nouvelles formes. Quand nous laissons ces centres réaliser l’ expérience intérieure d’où peut bien venir l’impulsion initiale puisque rien d’extérieur n’attire notre attention. Des plans plus profonds ? Des environs après tout ? Ou bien se forment-ils dans les centres de la vue et du toucher ? Est-ce que le centre du langage a la même fonction sur le plan intérieur plus profond ? Ou est-ce qu’il a d’autres fonctions ?
Il y a un « nouveau » monde à découvrir, ici. Cela peut se faire par différentes mesures et combinaisons en relation avec l’expérience vécue par des sujets en méditation. La recherche confirme aussi toutes les hypothèses avancées sur la relaxation et la méditation par des gens qui l’ont expérimenté sur eux-mêmes – l’idée que l’expérience intérieure est une réalité différente de la réalité des sens, lesquels, jusqu’à un certain degré, obéissent à d’autres lois.
Et encore...
* Ces articles trouvent leur source
dans la brochure de présentation
du Centre International de retraites de Haa.